- BALASSI (B.)
- BALASSI (B.)L’œuvre du premier grand poète d’expression magyare constitue le sommet littéraire de la Renaissance en Hongrie. C’est aussi à partir de Balassi que la poésie lyrique prédomine dans les lettres hongroises. Ses poèmes d’amour, ses psaumes, ses chants patriotiques unissent en une synthèse vivante la tradition hongroise, l’héritage classique et le courant international du pétrarquisme. Par son authentique esprit national et ses qualités artistiques, l’œuvre de Balassi demeure, jusqu’au XIXe siècle, le principal modèle poétique dans son pays.Poète et aventurierAu XVIe siècle, le centre de la Hongrie fut envahi par les Turcs, mais la civilisation de la Renaissance continua à prospérer sur les territoires qui résistaient à l’ennemi et notamment dans les châteaux devenus les foyers de la vie courtoise. Bien qu’appartenant par sa famille à cette couche sociale, le baron de Balassi, par suite des démêlés de son père avec la cour impériale de Vienne, perdit de bonne heure la majeure partie de sa fortune. Il mena une existence agitée, engagea d’infructueux procès pour récupérer ses biens et se battit vaillamment contre les Turcs. Ses violences et ses conquêtes amoureuses lui valurent une réputation d’aventurier. Sa vie mouvementée ne l’empêcha pas cependant d’acquérir une vaste culture humaniste ni d’apprendre huit langues étrangères. Il trouva la mort au siège de la citadelle d’Esztergom occupée par les Turcs.Balassi transforma le madrigalisme pétrarquisant, très répandu en Hongrie à cette époque, en une expression lyrique originale. L’homme est tout entier tendu vers les plaisirs de l’existence. Dans sa poésie, il fait de la bien-aimée le symbole de tous les sentiments nobles et élevés, l’incarnation de la beauté et du bonheur. Tout en s’adressant à des créatures différentes, objets de sa flamme, il proclama maîtresse de son cœur une grande dame, Anna Losonczy, qu’il appela Julia à la manière d’un de ses maîtres, le poète flamand Jean Second. Il lui dédia un cycle entier sur le modèle de Il Canzoniere de Pétrarque.Sa pensée s’ouvrit largement à l’influence du platonisme, mais elle n’en trouva pas moins l’équilibre en puisant également aux sources de la passion charnelle, en s’inspirant des événements d’une existence tourmentée. Contrairement à d’autres poètes pétrarquisants qui choisissaient de vivre auprès des princes, Balassi mena une existence de guerrier, ignorant le repos, courant l’Europe. Aussi ses poésies abondent-elles en métaphores, empruntées à la vie militaire et à la lutte contre l’envahisseur. Même ses heureuses descriptions des beautés de la nature associent ce thème, redécouvert par la Renaissance, à l’état d’esprit du soldat qui campe à la belle étoile, au milieu des périls.Innovateur dans tous les genresCette participation à la résistance lui inspira quelques merveilleux chants patriotiques, dont le plus célèbre, Hommage aux confins (1589), devint l’hymne du combat contre les Turcs. Né protestant, puis converti au catholicisme, Balassi fut aussi l’un des plus grands poètes religieux de Hongrie. Mais il ne revendiqua ni confession ni Église. Son Dieu était celui d’un humaniste: le poète s’adressait à lui d’égal à égal, tantôt pour le prendre à partie, tantôt pour l’inviter à soutenir sa vengeance en accablant ses ennemis.Balassi se distingua par la richesse de sa prosodie. Il perfectionna les formes poétiques de la langue hongroise et en créa même de nouvelles, dont la plus réussie allait connaître une fortune durable sous le nom de «strophe Balassi». Conformément à la tradition nationale, il composait ses vers sur des mélodies, mais ses textes dominaient de très haut la musique et finissaient par s’en détacher pour accéder à une vie entièrement autonome.En adaptant un drame pastoral italien, il introduisit la comédie amoureuse en Hongrie. Dans le Prologue , il exposait son art poétique et mettait, au-dessus de tous les autres thèmes, celui de l’amour. Cette pièce de théâtre – dont le texte intégral ne fut découvert que récemment – est aussi finement ciselée que ses strophes; le style en est étincelant et le souffle lyrique de Balassi donne à cette prose le rythme même de la poésie.
Encyclopédie Universelle. 2012.